L’idée même paraît anachronique. Un roi sans couronne, fils d’un exilé, opposé à des mollahs armés jusqu’aux dents. Et pourtant, en pleine guerre entre Iran et Israël, Reza Pahlavi incarne une hypothèse stratégique : celle d’un retour brutal à l’histoire, contre la logique de la résignation islamiste.
Une modernisation écrasante
Le règne du dernier Shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, fut un déséquilibre de puissance. Modernisation économique, révolution blanche, industrialisation accélérée. L’Iran devient à l’époque banque régionale, plateforme énergétique, laboratoire occidental. Les femmes votent. L’agriculture est redistribuée. Le PIB croît à deux chiffres. Les alliances sont solides, les ambassades ouvertes, l’armée équipée.
Ce n’était pas un rêve persan. Ce fut un ordre technocratique, soutenu par les États-Unis, redouté par les voisins. Un État qui se modernise plus vite que sa population, et qui gouverne sans demander la permission.
La chute logique
Il tombe pour une seule raison : il n’a pas vu venir le chaos qu’il fabriquait. En déstructurant les ordres anciens, il a libéré les archaïsmes. En humiliant les clercs, il les a légitimés. En copiant l’Occident, il a suscité le rejet. Le luxe, la répression, la centralisation extrême — tout cela forme une brèche. Khomeiny s’y engouffre. La révolution n’est pas populaire. Elle est cléricale. Et elle gagne.
L’État théocratique
Depuis 1979, l’Iran est une prison sacrée. République islamique, guide suprême, Conseil des gardiens, police de la vertu. L’économie s’effondre. La monnaie s’évapore. La jeunesse fuit. La société se contracte sous l’œil du clergé. L’opposition est exilée, les femmes frappées, la dissidence pendue. Les sanctions écrasent, mais le régime tient. Parce qu’il croit. Et parce qu’il frappe.
Une alternative impossible
Reza Pahlavi revient médiatiquement, pas militairement. Il parle, rassemble, incarne. Mais il ne gouverne rien. Son seul capital : le souvenir d’un ordre perdu. Et cela suffit à éveiller un peuple. Il n’a pas de parti, pas d’armée, pas de territoire. Il a mieux : l’absence absolue d’alternative. Quand un régime a tout détruit, ce qui revient est ce qui précède.
L’Iran est-il condamné ?
Peut-on déraciner quarante ans de théocratie ? Pas sans chaos. Pas sans effusion. La République islamique ne tombera pas d’épuisement. Elle tombera d’un choc. Ce choc est peut-être en cours : la guerre avec Israël. La dynastie Pahlavi n’a pas d’agenda. Elle a un vide à combler. L’Iran est peut-être condamné à l’extrémisme religieux. Ou peut-être qu’un roi en exil suffira à le fissurer.