Courbe

QI politique : la guerre des cerveaux

La guerre des idées s’est muée en guerre des intelligences. Quand les fondements idéologiques se dissolvent, l’intelligence devient ressource ultime, critère d’appartenance, instrument de domination. La scène politique ne se divise plus seulement en visions du monde, mais en gradients cognitifs. Qui pense mieux ? Pense trop ? Ne pense pas assez ?


La gauche cognitive : l’intelligence comme légitimité

Les électeurs les plus diplômés votent massivement à gauche. Ce fait est désormais stable et bien documenté. En France, les études électorales du CEVIPOF le confirment : les cadres et les titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur s’orientent vers les partis progressistes (PS, EELV, LFI), tandis que les catégories populaires (ouvriers, non-diplômés) votent davantage RN ou s’abstiennent massivement.

https://twitter.com/Godsentavenger/status/1922603957580431623

La gauche occidentale a progressivement fait du capital cognitif son socle électoral. Le QI, jadis marginal dans l’analyse politique, entre alors en scène. Une étude américaine parue dans Intelligence (2024) souligne que des niveaux de QI plus élevés sont corrélés avec des attitudes dites « ouvertes », notamment sur l’immigration, la redistribution ou les minorités.

Le message implicite devient clair : voter à gauche est un signe de lucidité supérieure. Penser à gauche, c’est penser mieux. La morale devient une conséquence de la cognition.

La cloche de la droite : extrêmes et demi-habiles

La contre-offensive idéologique ne tarde pas. Dans certains cercles de droite, notamment en ligne, la « cloche du QI » — courbe en forme de Gauss — est mobilisée pour retourner le stigmate. Le cœur de cette lecture : les électeurs de gauche occupent la partie médiane haute de la courbe, celle des « demi-habiles », rationnels mais naïfs, capables d’analyse basique mais dénués de pensée complexe et de pragmatisme. Ils représentent l’intelligence de conformité, celle qui brille dans l’administration mais échoue à voir le monde.

À l’inverse, cette interprétation positionne les électeurs de droite sur les deux extrémités de la courbe : à l’extrémité de gauche, les masses déclassées et instinctives ; à l’extrémité de droite, une élite froide, cynique, stratège, qui voit au-delà des consensus idéologiques. L’idiot utile et le lucide désabusé. La gauche aurait donc l’intelligence moyenne ; la droite, l’intuition brute et la pensée surplombante.

Cette lecture réhabilite la bêtise comme intuition du réel, et réinscrit l’intelligence supérieure dans le camp conservateur. C’est le retournement du stigmate : être jugé stupide par l’université, c’est être immunisé contre son endoctrinement.

Dans un autre registre, certains discours de droite s’appuient sur des études controversées présentant des cartes mondiales du QI, où l’Afrique subsaharienne affiche des scores moyens inférieurs à ceux de l’Europe ou de l’Asie de l’Est. Ces données, souvent issues des travaux de Richard Lynn et consorts, sont utilisées pour justifier des politiques restrictives en matière d’immigration ou pour soutenir des théories sur des différences intellectuelles innées entre les populations .

Sans surprise, ces études sont largement critiquées par les cercles de gauche pour leurs biais méthodologiques, notamment l’absence de prise en compte des facteurs socio-économiques, éducatifs et culturels qui influencent les performances aux tests de QI. De plus, la validité de comparer des scores de QI entre pays est également remise en question, car les tests utilisés ne seraient pas toujours adaptés culturellement, et les échantillons ne seraient pas nécessairement représentatifs .


Technocratie morale vs. réalisme statistique

La polarisation cognitive ne s’articule pas entre rationalité et instinct, mais entre types de rationalités. La gauche structure son discours autour de principes axiologiques — égalité, justice sociale, inclusion. Ce sont des valeurs cardinales, souvent dérivées de la philosophie politique ou des sciences sociales. Elles ne dépendent pas d’une efficacité mesurable, mais d’une légitimité morale supposée supérieure. L’intelligence, ici, consiste à reconnaître l’injustice comme structure, à penser la société comme système, à refuser les lectures purement empiriques.

La droite, elle, articule ses positions sur des données concrètes : taux de criminalité, flux migratoires, dépenses publiques. Elle revendique une rationalité froide, centrée sur les effets plutôt que sur les intentions. Le discours se veut objectiviste, dégagé de la morale, au nom du réel.

La gauche parle de causes, la droite parle de conséquences. L’une veut expliquer pourquoi ; l’autre exige qu’on regarde ce qui est.

C’est cela, la vraie ligne de fracture cognitive : non pas entre savoir et pulsion, mais entre norme éthique et corrélation statistique.

Cognition politique

On n’attaque plus les idées, on soupçonne les structures mentales. L’adversaire n’est pas une position, c’est une architecture neuronale. À droite, on corrèle les flux migratoires aux QI nationaux et on se moque des demi-habiles via la courbe en cloche; à gauche, on décrète que la pensée réactionnaire est le symptôme d’un déficit scolaire ou d’un biais cognitif non corrigé. Le débat se médicalise. L’opinion devient une pathologie.

Ce n’est plus la lutte des classes, c’est la dissection des profils cognitifs. L’idéologie se recompose en neurocartographie. À la fin, il ne restera plus que des cerveaux mal câblés face à des cerveaux correctement configurés. Plus de désaccord, juste un bug.

La politique devient un scanner.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *