L’Espagne et le Portugal ont subi hier une coupure électrique massive qui a duré une journée entière. Un incident marquant, peu banal, dans un monde fragile.
La croyance dans la continuité est une erreur de riche. Dans les sociétés dites développées, la norme n’était pas la stabilité mais l’illusion de la stabilité. Les réseaux fonctionnaient. L’énergie circulait. L’interruption semblait inconcevable. D’ailleurs, personne n’imaginait même à quoi elle pouvait ressembler. Hier, elle s’est produite.
Les causes immédiates sont secondaires : défaillance technique, cyberattaque, surcharge, aléa climatique. Le fait structurel est ailleurs. Les infrastructures sont devenues vulnérables : vieillissement des équipements, dépendance aux interconnexions, surcharge systémique, sous-investissement dans la résilience au profit de l’optimisation.
Le risque énergétique n’est plus un scénario théorique réservé aux États faibles. Il est partout. Pas nécessairement par malveillance ou par accident majeur, mais par accumulation de fragilités, par tension constante sur des systèmes conçus pour l’abondance.
Les menaces sont multiples :
- Technologiques : complexité exponentielle des réseaux, interdépendance des systèmes.
- Géopolitiques : sabotages ciblés, pressions sur les ressources critiques.
- Climatiques : stress thermique, inondations, incendies endommageant les infrastructures.
- Économiques : arbitrages budgétaires sacrificiels, maintenance différée.
Qui aurait cru, il y a vingt ans, qu’un pays membre de l’OCDE vivrait une panne de cette ampleur sans guerre, sans catastrophe majeure ? Qui aurait cru que l’exception deviendrait la norme ?
L’ordre ancien ne s’effondre pas d’un coup. Il s’éteint, section par section, comme un réseau surchargé qui lâche sans prévenir.