Szpiner

« L’affaire Szpiner » : La mairie de Paris comme théâtre sacrificiel

À peine Francis Szpiner a-t-il annoncé sa candidature à la mairie de Paris que, dans un enchaînement presque mécanique, une enquête pour corruption est rendue publique. Les articles s’alignent, les accusations s’abattent, et la temporalité suffit à produire un soupçon plus efficace qu’une preuve. L’ambition politique devient une ligne rouge : quiconque la franchit doit s’attendre à être exposé, attaqué, neutralisé.

La fabrique du soupçon

La chronologie parle d’elle-même. Le 14 avril 2025, Szpiner officialise sa candidature. Le 17 avril, une enquête pour « corruption » est annoncée par voie de presse. L’homme politique, plutôt discret durant quarante ans, est en effet accusé d’avoir exigé d’une jeune fille des faveurs sexuelles en échange d’un logement social. La preuve avancée : une écoute téléphonique datant d’il y a plusieurs mois, entre l’accusatrice et un proche. Aucun élément nouveau ne semble déclencher l’action judiciaire, hormis le fait politique lui-même. De cette affaire on ne sait rien, sinon que Szpiner dérange. L’alignement parfait entre ambition publique et déclenchement de soupçon suffit à activer une logique inquisitoriale. Ce n’est plus la vérité qui compte, mais l’effet immédiat : geler la candidature, contaminer l’image, instaurer la méfiance. Les réseaux s’enflamment, des comptes anonymes surgissent du néant pour attester les accusations : la machine est lancée.

Un système de sacrifice politique

Ce cas ne surgit pas dans un vide. Il s’inscrit dans une séquence bien connue : Benjamin Griveaux, en 2020, subit une déflagration d’ordre privé à la veille de l’élection municipale, contraint au retrait après la diffusion d’une vidéo intime. L’origine, russe. Le relais, numérique. L’effet, foudroyant. La mairie de Paris semble opérer comme un accélérateur de toxicité : le pouvoir symbolique qu’elle représente justifie tous les coups. La candidature n’est plus un acte démocratique, mais une prise de risque. Toute entrée dans l’arène implique une acceptation implicite de la salissure. Vraies casseroles qui remontent à la surface, ou machination orchestrée par les adversaires, peu importe. Le peuple croit, le peuple a envie de croire, car il veut casser du puissant, sur fond de poujadisme jubilatoire.

Il ne s’agit pas de savoir si la personne est coupable ou non, il ne s’agit pas d’enquêter en profondeur, ni du côté des journalistes, ni même de la justice à ce stade. L’unique but de la rumeur : détruire une ambition et à travers elle, un personnage. Se servir de la haine latente des réseaux sociaux pour pousser à bout. Sortir de l’arène loyale pour envoyer des coups sous la ceinture. Si au final la personne est blanchie, ou que l’affaire s’avère moins grave que prévue, peu importe, l’effet immédiat aura fonctionné, et l’on aura fait « tomber » une cible.

La suspicion comme norme

Dans un climat saturé de procès d’intention, et où règne de plus en plus une odeur de « tous pourris », l’accusation devient un outil stratégique, parfois sans besoin de fondement solide. Il suffit d’évoquer une enquête pour que l’opinion assimile l’ambition à une manœuvre suspecte. L’ombre suffit. L’époque produit ce qu’elle redoute : une caste politique repliée, prudente, professionnelle, où seuls les profils les plus blindés — ou les plus cyniques — osent s’exposer. L’espace public est devenu un espace miné. L’accusation préexiste parfois à l’enquête. Elle naît de la visibilité elle-même.

La mairie de Paris, autrefois tremplin républicain, devient un piège à ambition. On n’y entre plus pour gouverner, mais pour y être exposé… comme au musée Grévin.

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